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"AJAMI" présenté dans la catégorie "films du monde"

Réalisation : Scandar Copti et Yaron Shani
Type : Long-métrage
Langue : Vostf
Durée : 2h
Couleurs

Interprétation : Shahir Kabaha, Fouad Habash, Ibrahim Frege, Scandar Copti, Eran Naim

Dans le quartier d’Ajami, à Jaffa, cohabitent juifs, musulmans et chrétiens. Guerre de clan, imbroglio sentimental, acte de vengeance, trafic en tout genre. Un polar dense et captivant sur le destin de quelques individus qui, quelle que soit leur raison, luttent pour survivre dans une ville déchirée.

Où et quand ?
Arras  - Cinémovida

48, Grand Place (62000)
Tél : 03 21 15 54 39

• Le 10 novembre 2009, 14h00
• Le 11 novembre 2009, 19h00

La génèse du film
(source : Jerusalem Post du 20 octobre 2009 -  auteur : Hannah Brown).

Difficile d'imaginer "success story" plus improbable : deux jeunes réalisateurs de confessions différentes, Yaron Shani le Juif israélien et Scandar Copti, le Chrétien arabe. Sans la moindre expérience, ils décident néanmoins de tourner un film sur un quartier frappé par la criminalité. Par manque d'argent, ils font jouer des comédiens amateurs, qui improvisent leurs répliques dans deux langues : l'arabe et l'hébreu. L'intrigue est complexe, les personnages nombreux, et les réalisateurs ont en outre fait le choix de jouer avec la chronologie. Le projet aura été si coûteux que la vie de tous ses protagonistes s'en est trouvée totalement modifiée, certains sont allés vivre chez des proches pour faire des économies de loyer.

Mais le jeu en valait la chandelle. Le film a reçu une foule de récompenses et s'attire les louanges des professionnels du cinéma. Les deux réalisateurs ont décroché de multiples contrats de distribution, dont douze sur le marché européen et un aux Etats-Unis. Si vous ne la connaissiez pas encore, telle est la genèse du film Ajami et de ses réalisateurs israéliens, Yaron Shani et Scandar Copti (qui tient aussi l'un des rôles principaux : un jeune homme branché affublé d'une barbiche noire).

Deux amis, deux partenaires, dont les relations se sont encore renforcées avec le film. "Pour faire un long-métrage sur des sujets aussi sensibles que la criminalité, les relations entre Arabes et Juifs et les tensions à l'intérieur de la communauté arabe, il est indispensable d'avoir deux réalisateurs issus de chacune des communautés", explique Shani, 36 ans. "Nous prenions toutes les décisions conjointement... Nous avons travaillé ensemble pendant sept ans et avons discuté de tous les sujets possibles et imaginables. Désormais, nous savons ce que l'autre va dire avant même qu'il n'ouvre la bouche."

Le film, qui a remporté une Mention Spéciale dans la section Caméra d'Or à Cannes et le prix Wolgin au Festival du Film de Jérusalem cet été (devançant un film comme Lebanon, Lion d'Or du festival de Venise le mois dernier), s'est également vu attribuer, il y a peu, le prix Ophir de la meilleure image. Ajami se trouve ainsi en bonne place dans la course aux Oscars à Hollywood (en mars prochain, ndlr) dans la catégorie meilleur film étranger. Il pourrait bien faire partie des cinq nommés et devenir le premier long-métrage israélien de l'histoire du cinéma à remporter un Oscar. Pourtant, il y a huit ans, les deux hommes ne se connaissaient pas. Ils se sont rencontrés lors du Festival du Film Etudiant à l'université de Tel-Aviv.

Un étudiant rêveur et un ingénieur

Yaron Shani était alors responsable de l'événement. Le rêve d'un passionné de cinéma qui avait refusé de suivre la voie familiale et de se plier à un cursus scientifique. Diplômé du prestigieux lycée Réali de Haïfa, il décide d'étudier le cinéma à l'université de Tel-Aviv. Puis se lance dans la réalisation de quelques films étudiants, en indépendant, mais sans commune mesure avec le très ambitieux Ajami.

Grâce à une aide du Festival du Film Etudiant qui lui fournit le matériel nécessaire, les rêves de Shani vont prendre forme. Il rencontre alors Copti qui vient d'écrire un scénario sur une série de destins croisés à Tel-Aviv. Mais le jeune chrétien était un total néophyte dans le monde du cinéma. Aucune expérience sur les planches ou derrière la caméra : il avait achevé un cursus d'ingénieur en mécanique au Technion de Haïfa. Originaire de Jaffa, il descend d'un grand-père propriétaire d'un restaurant (qui apparaît dans le film), d'un père charpentier (qui a travaillé sur les décors et tient un petit rôle) et d'une mère, directrice de l'Ecole Démocratique. Comme Shani, il est un passionné de cinéma. Lorsque ce dernier lui propose de collaborer sur un scénario avec Jaffa pour cadre, il n'hésite pas.

Jeunes, ambitieux, idéalistes et sans doute un peu fous, les deux hommes demandent alors à leurs comédiens d'improviser l'ensemble des dialogues. Ils donnaient juste la trame de chaque scène et les acteurs devaient suivre des cours d'improvisation. Par ailleurs, le film a été tourné avec deux caméras. Résultat : 80 heures de pellicule pour un film de deux heures. En général, les cinéastes filment 15 à 20 heures de rushes, voire moins, pour les productions modestes. Mais Yaron Shani et Scandar Copti défendent leur choix : "Nous avions l'impression de filmer la réalité, et non de faire du spectacle", explique Copti. Les critiques de cinéma saluent d'ailleurs ce risque audacieux : "On a rarement pu observer la nature explosive du Moyen-Orient de façon aussi précise, de façon aussi intimiste ", explique Weissberg, du magazine américain Variety, dédié au cinéma. En Israël, la critique est tout aussi enthousiaste.

Boycott ou pas, le succès est au rendez-vous

Rétrospectivement, le succès était inscrit dans le film. Même si la recherche de financements a été un véritable parcours du combattant. En fin de compte, la Fondation israélienne pour le Cinéma a couvert 40 % du budget. Le reste de l'enveloppe a été fourni par des producteurs allemands. Copti et Shani auraient préféré un financement davantage israélien. Mais la question de la criminalité dans le quartier Ajami de Jaffa était peut-être un sujet trop sensible.

Pour Shani, le Juif, le film a été l'occasion de s'ouvrir à un monde totalement inconnu : "Les situations sont tirées de faits réels. Il existe tant d'histoires de survie, de ségrégation et de conflits entre les différents groupes. Je le voyais un peu dans la presse mais j'ai eu un choc en me penchant sur le sujet." Exemple : l'histoire d'Omar, un jeune homme dont la famille s'est fâchée avec ses voisins et qui demande à Abou Elias, un "combinard du quartier", de mettre un terme à la querelle. Abou Elias accepte de l'aider mais en échange, Omar se trouve contraint de payer une somme exorbitante, ce qui le pousse à se lancer dans le trafic de drogue. "Les combinards comme Abou Elias constituent un réseau social alternatif qui opère totalement en marge des structures juridiques de l'Etat. Cela m'a amené à réfléchir. Il est vraiment triste de vivre dans des bulles si hermétiques : les laïcs et les religieux, les riches et les pauvres...", explique Shani.

Les deux réalisateurs ont aussi dû faire face à l'hostilité d'une partie du monde du cinéma, comme les appels au boycott lancés par des grands noms (dont Jane Fonda, qui s'est rétractée par la suite, Danny Glover ou Viggo Mortensen). Leur grief : le Festival international qui avait prévu un programme spécial consacré aux films tournés à Tel-Aviv, en commémoration du centième anniversaire de la ville. Mais loin de nuire aux cinéastes, cet appel au boycott a, au contraire, boosté les entrées : "Je ne l'aurais même pas remarqué si les gens me demandaient sans cesse comment je le vivais. D'ailleurs, le boycott a peut-être même eu l'effet inverse, puisque nous avons fait salle comble", précise Shani.

Pour Yaron Shani et Scandar Copti, le moment est-il venu de savourer tranquillement le succès ? A l'évidence, les jeunes cinéastes sont toujours sur leur petit nuage. Leur quotidien est devenu un défilé ininterrompu de cérémonies, de rendez-vous avec des distributeurs, de festivals... Ajami doit participer à une vingtaine d'autres compétitions, en Belgique et en Inde entre autres. "Nous vivons encore sous l'effet d'une phénoménale poussée d'adrénaline", affirme Copti. "Même dans mes rêves les plus fous, je n'avais jamais imaginé cela !" "Toute cette aventure était très pure et très sincère", ajoute Shani, devenu père l'an dernier et qui a vécu dans la famille de sa femme durant tout le tournage. Des sacrifices consentis pour la réalisation d'un rêve de gamin.

INFOS FESTIVAL Consultez le site internet  www.plan-sequence.asso.fr/festival.php



Tag(s) : #culture-lire-écouter-voir
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